Le corps de l’oeuvre, (extraits)
Il est de plus en plus évident que ce qui se montre dans ses œuvres, au delà de leur beauté plastique propre, c’est son portrait en creux à travers les multiples formes empruntées de son univers créatif. C’est la part de l’intime dissimulée dans chaque œuvre, les fragments de mémoire, et la présence du corps, que l’exposition permet peu à peu de révéler, au sens où on utilise ce terme en photographie.
Non plus le corps comme sujet pictural, qui dès l’origine était au centre du travail de Vincent Barré, mais sa palpitation, y compris dans les pièces les plus abstraites. D’où l’importance croissante qu’ont pris le geste, le toucher, le malaxage et la caresse de la matière ; laissons l’auteur l’évoquer : « En introduisant davantage de formes charnelles, comme dans la série noire, avec des creux et des gonflements assez explicites, j’ai pris conscience que j’avais jusque là continuellement censuré un besoin de m’exprimer dans un registre du corps et de l’érotisme […]. Trois ans plus tard, avec le grès de La Borne, j’ai retrouvé des formes modelées, tactiles et complexes. Je façonne une masse de terre en l’estampant autour du pouce et dans le creux de la main, sur le genou ou sur mon ventre, près des parties cachées et sensibles du corps. Il s’agit à nouveau de penser dans l’énergie du geste ».(2)
Cette approche sensible et tactile est particulièrement manifeste dans le dessin.
Chez Vincent Barré, c’est sans doute dans le dessin que réside le fil conducteur de cette œuvre protéiforme et c’est lui qui en assure l’unité. Par dessin j’entends non seulement les portraits et les corps d’après modèle travaillés de manière classique, mais aussi les croquis qui jaillissent de la mine de plomb, soit pour capter une sensation, fixer dans l’instant une idée, jalonner les étapes du développement d’un projet, et ceux qui accompagnent les notes des carnets de voyage.
L’exposition de Toulon fait une large place à ces différentes catégories ainsi qu’aux grands dessins estampés à l’encre typographique dont la masse sombre aux variations subtiles s’oppose au blanc du papier, rappelant aux habitués de l’Hôtel des Arts les grandes taches de goudron de Jannis Kounellis et les violet de mars de Stéphane Bordarier.
Dans tous les cas le trait de crayon qui sait être précis possède une grande sensibilité et laisse sourdre une forte sensualité comme tout le travail des dernières années. Mais la ligne conserve quelque chose d’un peu laborieux comme ses sculptures. Vincent Barré le revendique, et parlant de ces dernières il dit : « […] ma sculpture est le prétexte à mettre en scène une émergence qui ne serait pas légère et mobile, mais lente, ouvrageuse […], j’ai besoin de cette lenteur et de cette maladresse. Il y a presque une composante physique, corporelle dans cette difficulté, ce besoin que les choses résistent et me confrontent […] ».
Gilles Altiéri, Conservateur et artiste
À cette occasion, commande d’un portfolio de photographies Noir et Blanc de l’atelier des Cinq Rois (Loiret), à Jacqueline Salmon.
Réalisation du film Mètis, avec la collaboration de Pierre Creton pour l’image et le montage.