2017 Ex voto et autres fragments , Galerie Bernard Jordan, Paris

Photographies Florian Kleinfenn

Bronzes et aluminium sur socles 2015 – 2017

Juin / Juillet 2017

De courtes colonnes en aluminium sur socles, un ensemble d’ex voto en bronze faits de plaques de cire repoussées, un dessin noir.

Ex Voto

Je me passionne pour la figure [1]relevait Friedemann Malsch dans un premier entretien. Les ex voto sont constamment revenus depuis plus de 30 ans, pour envisager le corps non plus dans son intégrité et sa verticalité, mais comme morcelé, divisé, exposé : Torse, pied, ventre, sexe, main, tête… Comme un Osiris dont les morceaux seraient éparpillés sur la terre, et que des sœurs recomposeraient inlassablement. Ou bien en forme de prière pour un membre, pour un organe souffrant, afin de réparer le tissu du monde.

Il me revient que mes toutes premières sculptures, vers 1980 étaient des petits torses découpés dans une de ces minces lattes de mélèze dont on faisait les seaux de bois en montagne : Forme en T ou en Y, peintes d’un bleu délavé, montées sur des boites faisant socles.

J’ai beaucoup regardé et dessiné les dos – des Kouroi, des sculptures modernes, de modèles posant debout, bien droits. Dans le dos de cire que je termine, ce n’est pas l’aplomb qui domine, mais la forme en V, taille étroite, épaules larges des Kouroi. Entre la puissance monumentale de la colonne sans complaisance, et l’érotisme d’un dos en triangle dont la surface est à peine soulevée par des chairs vivantes, c’est peut-être bien à mon ambivalence que je me confronte, de l’architecture à la figure, entre la force et la grâce, entre la matière travaillée et le vivant. L’abstraction des dessins, l’austérité des masses est mon garde-fou.

Aujourd’hui avec ces bronzes, je reviens, symptomatiquement à ma toute première expression. À cette sensualité pressante, toujours cachée répondent maintenant mes grandes colonnes de fonte apaisées, ou les grandes formes couchées. Si chez Cézanne, le corps (de Paul, le fils en caleçon, de la servante à la cafetière au musée d’Orsay) est une apparition verticale, chez Matisse c’est la courbe, la position couchée, l’arabesque qui dominent – jusqu’à la rupture du grand dos final..

 

Plein – creux

Ces bronzes, ces fragments de corps montrent la minceur de la feuille de cire dont ils sont façonnés, d’une seule pièce. Feuille de cire chauffée, puis repoussée pour créer la face bombée, « en ronde-bosse », laissant à l’arrière la face creuse, ouverte – comme une cuillère, le recto et le verso. Pas d’effet de réalisme, pas d’illusion de plein, mais la clarté de la construction. (Je découvre à Madrid que ce procédé est très semblable à celui qu’utilise Gonzalez dans ses constructions de « figures »). La patine noire sur fond ocre, est absolument identique à la couleur de la cire.

 

Corps

Stature d’une forme dressée, « qui se tient » (stand, stehen). Une certaine raideur qui garde la mémoire du bloc, massif. Un tronc, un torse dans un besoin de pesanteur, qui descend vers le sol pour s’ancrer. Tension entre le vertical qui pour certains élève, ou qui désigne le sol. La division de l’univers en enfer souterrain et en ciel parfaitement pur est une conception indélébile ; la boue et les ténèbres étant les principes du mal, comme la lumière et l’espace céleste sont les principes du bien : les pieds dans la boue mais la tête à peu près dans la lumière… la vie humaine comporte en fait la rage de voir qu’il s’agit d’un mouvement de va-et-vient de l’ordure à l’idéal, et de l’idéal à l’ordure, rage qu’il est facile de passer sur un organe aussi bas qu’un pied. (Le pouce de G. Bataille, Document VI, 1936).7 Mai 2017

[1] Zu den Arbeiten von Vincent Barré von 1986/1987, Friedemann Malsch, Köln 18-06-1987, catalogue 1987, Galerie Bernard Jordan.