De la cuillère au bois sculpté
Ma première rencontre avec les œuvres de Vincent Barré eut lieu par un froid matin d’automne dans l’ancienne galerie de Bernard Jordan à Paris. Il nous fut impossible de trouver le compteur électrique et c’est dans une semi-obscurité que je saisissais, un par un, ces bronzes à la cire directe, formes pliées, cintrées, découpées, objets d’un quotidien hypothétique, objets utilitaires bien qu’inutiles, outils à rêver, à voyager, à caresser. Ces bronzes intimistes placés à même le mur ou osés sur un meuble, Vincent Barré les façonne dans un coin de son atelier à la campagne ; n espace de travail comme il sait les créer : empilement de carnets de croquis, couteaux, mirettes, grattoirs, ustensiles pour chauffer, couler la cire, vieux chiffons.
C’est au creux de la main, dans un geste fermé, prés du corps , qu’il donne forme à ces plaques de cire, geste de construction, d’élaboration, de confection jusqu’à ce que la forme prenne sens. Ces formes objets, outils, pourraient être aussi ces protections du corps, gantelet, bassinet, cubitière des armures anciennes, mais aussi suggestion de ces endroits où les menbres se joignent, commissures, plis cachés du corps humain. La couleur de la patine, la matière du bronze est riche, belle comme peut l’être une serpe usagée, une pelle de jardinier bouffée par le labeur. Ces objets apparaissent alors dans leur indicible sensualité.
Etrangement, nous parlâmes de cuisine, d’instruments de cuisine. Je racontais à Vincent Barré ma passion pour les cuillères en bois taillé par les paysans dans le seul but de se nourrir. La grande beauté de ces objets purement fonctionnels m’a toujours ému, bouleversé. Vincent Barré m’apprit qu’adolescent, il se voulait potier ; il devint architecte. Vincent Barré aujourd’hui sculpte, mais est resté un homme du geste, du geste de la main qui modèle la cire pour lui donner forme par le toucher, avec douceur, vigueur. La forme tout au long du parcours de cet artiste est le lieu de l’œuvre. La mise en forme constitue d’une certaine manière l’essentiel du travail. Elle enracine la pensée.
Pour Vincent Barré, cette forme doit être impérativement un lieu et cette question du lieu devient le lien de compréhension entre les bronzes intimistes, les sculptures monumentales, et celles placées dans l’espace public. « Il faut, écrit-il, que le lieu de l’œuvre soit en elle-même, mais ceci ne peut exister que lorsque l’œuvre a un lieu précis et juste. Le positionnement de mes travaux à l’extérieur de l’atelier fait exister l’œuvre et me permet d’intégrer la dimension du réel ». Cet ariste avoue n’avoir jamais aucune idée de forme, de sculpture sans une situation précise de lieu.
Cet architecte qui fut pendant de nombreuses années le compagnon d’atelier et de pensée de Patrick Berger réagit toujours dans un rapport à l’échelle des choses. Sa préoccupation première est de trouver l’échelle de la sculpture, le rapport entre la sculpture, le regardeur et l’espace. Son intervention dans la cour exterieur de la chapelle du château de Cadillac-en-Fronsadais illustre cette préoccupation : cour fermée de la chapelle, murs de pierre qui l’entourent, une grille aux formes arabesques, ciel ouvert et puis au centre un objet petit, une fontaîne, sertie dans un sol dessiné avec des galets noires, une spirale. Le rapport d’échelle de tous ces éléments évoque une lecture cosmogonique de cet « imago mundi », de cette image idéale du monde qui tel le patio des lions de l’Alhambra de Grenade nous offre une organisation spatiale fondée sur le principe persan du « Tchahar bagh » ou souvenir des quatre jardins, des quatre fleuves du Paradis de la Genèse.
Homme secret du voyage, Vincent Barré…
De la cuillère au bois sculpté
Ma première rencontre avec les œuvres de Vincent Barré eut lieu par un froid matin d’automne dans l’ancienne galerie de Bernard Jordan à Paris. Il nous fut impossible de trouver le compteur électrique et c’est dans une semi-obscurité que je saisissais, un par un, ces bronzes à la cire directe, formes pliées, cintrées, découpées, objets d’un quotidien hypothétique, objets utilitaires bien qu’inutiles, outils à rêver, à voyager, à caresser. Ces bronzes intimistes placés à même le mur ou osés sur un meuble, Vincent Barré les façonne dans un coin de son atelier à la campagne ; n espace de travail comme il sait les créer : empilement de carnets de croquis, couteaux, mirettes, grattoirs, ustensiles pour chauffer, couler la cire, vieux chiffons.
C’est au creux de la main, dans un geste fermé, prés du corps , qu’il donne forme à ces plaques de cire, geste de construction, d’élaboration, de confection jusqu’à ce que la forme prenne sens. Ces formes objets, outils, pourraient être aussi ces protections du corps, gantelet, bassinet, cubitière des armures anciennes, mais aussi suggestion de ces endroits où les menbres se joignent, commissures, plis cachés du corps humain. La couleur de la patine, la matière du bronze est riche, belle comme peut l’être une serpe usagée, une pelle de jardinier bouffée par le labeur. Ces objets apparaissent alors dans leur indicible sensualité.
Etrangement, nous parlâmes de cuisine, d’instruments de cuisine. Je racontais à Vincent Barré ma passion pour les cuillères en bois taillé par les paysans dans le seul but de se nourrir. La grande beauté de ces objets purement fonctionnels m’a toujours ému, bouleversé. Vincent Barré m’apprit qu’adolescent, il se voulait potier ; il devint architecte. Vincent Barré aujourd’hui sculpte, mais est resté un homme du geste, du geste de la main qui modèle la cire pour lui donner forme par le toucher, avec douceur, vigueur. La forme tout au long du parcours de cet artiste est le lieu de l’œuvre. La mise en forme constitue d’une certaine manière l’essentiel du travail. Elle enracine la pensée.
Pour Vincent Barré, cette forme doit être impérativement un lieu et cette question du lieu devient le lien de compréhension entre les bronzes intimistes, les sculptures monumentales, et celles placées dans l’espace public. « Il faut, écrit-il, que le lieu de l’œuvre soit en elle-même, mais ceci ne peut exister que lorsque l’œuvre a un lieu précis et juste. Le positionnement de mes travaux à l’extérieur de l’atelier fait exister l’œuvre et me permet d’intégrer la dimension du réel ». Cet ariste avoue n’avoir jamais aucune idée de forme, de sculpture sans une situation précise de lieu.
Cet architecte qui fut pendant de nombreuses années le compagnon d’atelier et de pensée de Patrick Berger réagit toujours dans un rapport à l’échelle des choses. Sa préoccupation première est de trouver l’échelle de la sculpture, le rapport entre la sculpture, le regardeur et l’espace. Son intervention dans la cour exterieur de la chapelle du château de Cadillac-en-Fronsadais illustre cette préoccupation : cour fermée de la chapelle, murs de pierre qui l’entourent, une grille aux formes arabesques, ciel ouvert et puis au centre un objet petit, une fontaîne, sertie dans un sol dessiné avec des galets noires, une spirale. Le rapport d’échelle de tous ces éléments évoque une lecture cosmogonique de cet « imago mundi », de cette image idéale du monde qui tel le patio des lions de l’Alhambra de Grenade nous offre une organisation spatiale fondée sur le principe persan du « Tchahar bagh » ou souvenir des quatre jardins, des quatre fleuves du Paradis de la Genèse.
Homme secret du voyage, Vincent Barré…