Détour – Quincy, Bayonne, Tourcoing.
Sculpteur, les questions de temps et de lieu préoccupent très justement Vincent Barré. De la genèse d’une œuvre repérable sur des croquis à la gestation des formes et des volumes dans l’atelier, par la disposition d’une sculpture et lors de sa confrontation à l’histoire d’un lieu, chaque strate de la création se décline dans son exigence réfléchie d’un temps, de conception ou d’exposition, mesuré à de l’espace. Telle une procédure naturelle d’accompagnement de l’oeuvre, le dessin traduit ce lien dans et avec le temps, entrecroisant les références historiques et artistiques à l’intérieur d’un journal de bord qui consigne la sculpture dans une matrice dont le dévoilement parcimonieux d’une ou deux pages de carnet, exposée ou reproduite, découvre sa part intime et secrète.
Amplifiant la logique de ces liaisons à l’intérieur d’une chronologie maîtrisée et projetée sur deux ou trois ans, Vincent Barré s’approprie par la suite la mise en place d’une séquence d’expositions qui viendra construire les différentes stations de sa réflexion engagée pour et avec la sculpture. L’expérience de l’extérieur viendra conforter, modifier ou amplifier la stature de ses formes, massives, denses ou légères, installées provisoirement dans les sites ouverts ou clos, paysagés ou bâtis, institutionnels ou non. A chacune de ces propositions distinctes, ici au nombre de trois, s’ouvrent donc à l’artiste des parcours, comme des déambulations physiques aussi bien que des cheminements intellectuels, où ses oeuvres attirent des interprétations qui relèvent du dialogue établi avec les diverses configurations permanentes des lieux qu’elles viennent, en retour, révéler.
En écho au titre d’un précédent cycle, Corpus, qui s’énonçait à partir d’une même exigence d’enchaînement d’expositions, mais tendait à pointer les relations implicites du corps à la sculpture, ce nouvel ensemble de présentations aurait bien pu s’appeler Locus. Ici s’y décline tant la localité de l’œuvre au sens botanique (qui désigne l’endroit précis où a été trouvé une espèce nouvelle) que sa location qui l’inscrit dans l’occupation temporaire d’un lieu. Par cette étape supplémentaire dans l’approfondissement et la compréhension de la sculpture, ces expositions formulent les rattachements possibles des œuvres aux espaces lors de leurs placements dans les réseaux de formes et de significations ou de contextes historiques préalables.
Avec la disparition du socle, la sculpture est donc redevenue naturellement tributaire de cette relation à l’environnement. Les œuvres y engagent le sol aussi bien que le mur, le paysage aussi bien que l’architecture, la campagne aussi bien que la ville. S’orienter, s’appuyer, s’armer, s’arc-bouter, s’asseoir, s’intégrer ou s’imposer, autant de situations qui démontrent cette nécessaire prise en compte de ces contraintes extérieures à l’œuvre pour être logiquement là, passer inaperçue ou bien libérer son évidence. L’œuvre subit l’expérience du dehors dès qu’elle quitte le lieu protecteur de l’atelier, où sans doute son rapport au corps y est le plus flagrant, et va éprouver de nouvelles tensions face à un monde qui capte et réfléchit ses dispositions à accéder alors au monumental. Pour elle, bien plus qu’une question de taille, il s’agit de faire face et de s’imposer à l’espace qui la jauge mais pourrait aussi bien, dans le pire des cas, la phagocyter totalement. Bien qu’externe à sa composition, cette pression environnementale est ainsi un élément, inconscient ou non, mais significatif à la concrétisation d’une sculpture ; elle condense sa capacité à figurer ce vide impalpable qui entoure l’œuvre et qui, à l’exposition, lui donnera véritablement corps. La sculpture existe dans une sorte de rémanence active à l’image du « noyau », cette partie pleine du moule qui produit à la fonte, son vide correspondant. L’oeuvre n’aurait alors trouvé sa place et son sens qu’en vérifiant cette complémentarité réciproque à l’espace externe et avec les propositions de Vincent Barré, la sculpture s’affirme comme l’élément positif de ce volume de vide qui, paradoxalement, la façonne.
Jacques Py, 22 août 2004.
Détour – Quincy, Bayonne, Tourcoing.
Sculpteur, les questions de temps et de lieu préoccupent très justement Vincent Barré. De la genèse d’une œuvre repérable sur des croquis à la gestation des formes et des volumes dans l’atelier, par la disposition d’une sculpture et lors de sa confrontation à l’histoire d’un lieu, chaque strate de la création se décline dans son exigence réfléchie d’un temps, de conception ou d’exposition, mesuré à de l’espace. Telle une procédure naturelle d’accompagnement de l’oeuvre, le dessin traduit ce lien dans et avec le temps, entrecroisant les références historiques et artistiques à l’intérieur d’un journal de bord qui consigne la sculpture dans une matrice dont le dévoilement parcimonieux d’une ou deux pages de carnet, exposée ou reproduite, découvre sa part intime et secrète.
Amplifiant la logique de ces liaisons à l’intérieur d’une chronologie maîtrisée et projetée sur deux ou trois ans, Vincent Barré s’approprie par la suite la mise en place d’une séquence d’expositions qui viendra construire les différentes stations de sa réflexion engagée pour et avec la sculpture. L’expérience de l’extérieur viendra conforter, modifier ou amplifier la stature de ses formes, massives, denses ou légères, installées provisoirement dans les sites ouverts ou clos, paysagés ou bâtis, institutionnels ou non. A chacune de ces propositions distinctes, ici au nombre de trois, s’ouvrent donc à l’artiste des parcours, comme des déambulations physiques aussi bien que des cheminements intellectuels, où ses oeuvres attirent des interprétations qui relèvent du dialogue établi avec les diverses configurations permanentes des lieux qu’elles viennent, en retour, révéler.
En écho au titre d’un précédent cycle, Corpus, qui s’énonçait à partir d’une même exigence d’enchaînement d’expositions, mais tendait à pointer les relations implicites du corps à la sculpture, ce nouvel ensemble de présentations aurait bien pu s’appeler Locus. Ici s’y décline tant la localité de l’œuvre au sens botanique (qui désigne l’endroit précis où a été trouvé une espèce nouvelle) que sa location qui l’inscrit dans l’occupation temporaire d’un lieu. Par cette étape supplémentaire dans l’approfondissement et la compréhension de la sculpture, ces expositions formulent les rattachements possibles des œuvres aux espaces lors de leurs placements dans les réseaux de formes et de significations ou de contextes historiques préalables.
Avec la disparition du socle, la sculpture est donc redevenue naturellement tributaire de cette relation à l’environnement. Les œuvres y engagent le sol aussi bien que le mur, le paysage aussi bien que l’architecture, la campagne aussi bien que la ville. S’orienter, s’appuyer, s’armer, s’arc-bouter, s’asseoir, s’intégrer ou s’imposer, autant de situations qui démontrent cette nécessaire prise en compte de ces contraintes extérieures à l’œuvre pour être logiquement là, passer inaperçue ou bien libérer son évidence. L’œuvre subit l’expérience du dehors dès qu’elle quitte le lieu protecteur de l’atelier, où sans doute son rapport au corps y est le plus flagrant, et va éprouver de nouvelles tensions face à un monde qui capte et réfléchit ses dispositions à accéder alors au monumental. Pour elle, bien plus qu’une question de taille, il s’agit de faire face et de s’imposer à l’espace qui la jauge mais pourrait aussi bien, dans le pire des cas, la phagocyter totalement. Bien qu’externe à sa composition, cette pression environnementale est ainsi un élément, inconscient ou non, mais significatif à la concrétisation d’une sculpture ; elle condense sa capacité à figurer ce vide impalpable qui entoure l’œuvre et qui, à l’exposition, lui donnera véritablement corps. La sculpture existe dans une sorte de rémanence active à l’image du « noyau », cette partie pleine du moule qui produit à la fonte, son vide correspondant. L’oeuvre n’aurait alors trouvé sa place et son sens qu’en vérifiant cette complémentarité réciproque à l’espace externe et avec les propositions de Vincent Barré, la sculpture s’affirme comme l’élément positif de ce volume de vide qui, paradoxalement, la façonne.
Jacques Py, 22 août 2004.