Fragments
De Vincent Barré, je ne saurais faire la critique puisque amis de haute enfance nous partageons depuis longtemps une quête commune dont les finalités, de près pour lui de plus loin pour moi s‘apparentent à l’Art.
L’œuvre fondée : Son œuvre m’est souvent apparue comme fondée, ou pour le moins reposant sur quelque chose qui représente une certaine solidité : l’histoire comme référence, des materiaux dont la mise en œuvre tourne autour d’un dialogue primordial avec la pesanteur.
La recherche des Pères : Sans avoir la rigueur de l’investigation érudite (quoique…) mais plutôt la liberté d’une quête originale, le questionnement de l’Histoire à partir du Voyage et de la Lecture vise non seulement à mettre l’oisiveté en pièce mais aussi se comprendre comme la recherche des Pères que les artistes plus que d’autres sans doute entreprennent sans pouvoir y distinguer si elle nourrit l’œuvre ou si elle tente de porter un coup fatal à l’Oedipe
Dénuement : La fondation comme recherche de la base se découvre également dans la cohérence entre l’oeuvre et le lieu de production. Leur dénuement vise à faire table rase de toutes les interférences, et en même temps à créer l’état de la plus grande disponibilité. Action minimaliste pour entretenir un rapport immédiat avec la Nature.
La plaine comme métaphore : Mais la Nature n’est plus l’interlocutrice privilégiée, celle qui serait prête à porter ou a supporter nos imperfections, à la fois modèle d’harmonie et miroir d’un idéal inaccessible. La nature rapportée à la campagne de manière à rendre manifeste l’économie des stimuli est un lieu auto-stable et suffisant où quatre murs définissent l’espace de liberté autour duquel s’étend le plaine – signe tangible de l’abstraction.
L’œuvre comme lieu privilégié du désir : Là plus qu’ailleurs s’exerce depuis avant l’adolescence le combat des forces contraires occulté, souterrain, volcanique, irrésolu, lieu des plus formidables confrontations où le divin illumine par intermittence ce que l’artiste lui-même ne peut ou supporter ou résoudre. La paix rare y portera toujours es traces du combat spirituel et l’œuvre s’exprimera comme le lieu privilégié du désir.
La noblesse de la Pauvreté : Ce que nous dit avec force l’œuvre de Vincent Barré, c’est la noblesse de la pauvreté – l’état de conscience le moins imparfait vis-à-vis des incohérences des civilisations contemporaines. Quand il recherche ses matériaux ou quand il les façonne, il demande au bois de porter les traces de leur dénuement, de leur vulnérabilité, de leur beauté magnifiée avec le temps, de leur douceur. Il demande aux aciers d’avoir résisté aux épreuves pour lesquelles ils étaient conçus, de garder leur éclat sous la corrosion comme une marque de résistance secrète.
Les thèmes – mythologie et réalisme : Ici le mythe dans lequel se mêlent le dicible et l’indicible est un thème de prédilection, un recours car dans nos sociétés où presque rien ne serait désormais caché, persiste encore et malgré tout cette conviction que ce qui est montré, exacerbé, est en même temps ce qui doit être le plus occulté, protégé. Car dans le mythe, le terrible est encore supportable ou le danger pré-annoncé des « Parques » encore divin. Le mythe enfin nous rappelle que l’amour a toujours été mortel, en même temps que l’érotisme dans lequel se dépassent et es jouent nos destins est un pays pas plus grand que « la Chambre d’Amour », éclairé par une lumière qui s’éteint avec lui ; que la Dormition est la plus haute image de la mort sereine et permet d’appréhender l’existence d’un au-delà. Puis entre l’amour et la dormition, entre l’activité et le repos apparaissent les Vanités – oiseaux, serpents, crânes – à la fois images de l’indéchiffrable, rappel de la précarité et objets de méditation.
Conceptuel et formel : Aucune forme ne naît ni du hasard ni du rien. Elle transcrit avec plus ouy moins d’exactitude ou de distance un état de la pensée. Elle est le langage qui se détache de l’artiste pour se porter lui-m^me, simultanément écho des langages du passé et voie solitaire originale. Le clivage du conceptuel et du formel a été institutionnalisé par la critique, comme si le sens de l’histoire allait vers une extinction des formes au profit de la pensée et permettait par la rationalisation de l’analyse enfin de décrypter le juste sens des oeuvres. Nous savons qu’appartient seule à l’histoire de se juger elle-même. Devant elle, fermons-la et regardons.
(Catalogue Galerie Bernard Jordan, Centre d’Arts Plastiques Contemporains, Besançon, Mars 1991)
Fragments
De Vincent Barré, je ne saurais faire la critique puisque amis de haute enfance nous partageons depuis longtemps une quête commune dont les finalités, de près pour lui de plus loin pour moi s‘apparentent à l’Art.
L’œuvre fondée : Son œuvre m’est souvent apparue comme fondée, ou pour le moins reposant sur quelque chose qui représente une certaine solidité : l’histoire comme référence, des materiaux dont la mise en œuvre tourne autour d’un dialogue primordial avec la pesanteur.
La recherche des Pères : Sans avoir la rigueur de l’investigation érudite (quoique…) mais plutôt la liberté d’une quête originale, le questionnement de l’Histoire à partir du Voyage et de la Lecture vise non seulement à mettre l’oisiveté en pièce mais aussi se comprendre comme la recherche des Pères que les artistes plus que d’autres sans doute entreprennent sans pouvoir y distinguer si elle nourrit l’œuvre ou si elle tente de porter un coup fatal à l’Oedipe
Dénuement : La fondation comme recherche de la base se découvre également dans la cohérence entre l’oeuvre et le lieu de production. Leur dénuement vise à faire table rase de toutes les interférences, et en même temps à créer l’état de la plus grande disponibilité. Action minimaliste pour entretenir un rapport immédiat avec la Nature.
La plaine comme métaphore : Mais la Nature n’est plus l’interlocutrice privilégiée, celle qui serait prête à porter ou a supporter nos imperfections, à la fois modèle d’harmonie et miroir d’un idéal inaccessible. La nature rapportée à la campagne de manière à rendre manifeste l’économie des stimuli est un lieu auto-stable et suffisant où quatre murs définissent l’espace de liberté autour duquel s’étend le plaine – signe tangible de l’abstraction.
L’œuvre comme lieu privilégié du désir : Là plus qu’ailleurs s’exerce depuis avant l’adolescence le combat des forces contraires occulté, souterrain, volcanique, irrésolu, lieu des plus formidables confrontations où le divin illumine par intermittence ce que l’artiste lui-même ne peut ou supporter ou résoudre. La paix rare y portera toujours es traces du combat spirituel et l’œuvre s’exprimera comme le lieu privilégié du désir.
La noblesse de la Pauvreté : Ce que nous dit avec force l’œuvre de Vincent Barré, c’est la noblesse de la pauvreté – l’état de conscience le moins imparfait vis-à-vis des incohérences des civilisations contemporaines. Quand il recherche ses matériaux ou quand il les façonne, il demande au bois de porter les traces de leur dénuement, de leur vulnérabilité, de leur beauté magnifiée avec le temps, de leur douceur. Il demande aux aciers d’avoir résisté aux épreuves pour lesquelles ils étaient conçus, de garder leur éclat sous la corrosion comme une marque de résistance secrète.
Les thèmes – mythologie et réalisme : Ici le mythe dans lequel se mêlent le dicible et l’indicible est un thème de prédilection, un recours car dans nos sociétés où presque rien ne serait désormais caché, persiste encore et malgré tout cette conviction que ce qui est montré, exacerbé, est en même temps ce qui doit être le plus occulté, protégé. Car dans le mythe, le terrible est encore supportable ou le danger pré-annoncé des « Parques » encore divin. Le mythe enfin nous rappelle que l’amour a toujours été mortel, en même temps que l’érotisme dans lequel se dépassent et es jouent nos destins est un pays pas plus grand que « la Chambre d’Amour », éclairé par une lumière qui s’éteint avec lui ; que la Dormition est la plus haute image de la mort sereine et permet d’appréhender l’existence d’un au-delà. Puis entre l’amour et la dormition, entre l’activité et le repos apparaissent les Vanités – oiseaux, serpents, crânes – à la fois images de l’indéchiffrable, rappel de la précarité et objets de méditation.
Conceptuel et formel : Aucune forme ne naît ni du hasard ni du rien. Elle transcrit avec plus ouy moins d’exactitude ou de distance un état de la pensée. Elle est le langage qui se détache de l’artiste pour se porter lui-m^me, simultanément écho des langages du passé et voie solitaire originale. Le clivage du conceptuel et du formel a été institutionnalisé par la critique, comme si le sens de l’histoire allait vers une extinction des formes au profit de la pensée et permettait par la rationalisation de l’analyse enfin de décrypter le juste sens des oeuvres. Nous savons qu’appartient seule à l’histoire de se juger elle-même. Devant elle, fermons-la et regardons.
(Catalogue Galerie Bernard Jordan, Centre d’Arts Plastiques Contemporains, Besançon, Mars 1991)